HISTORIQUE DE LA SOIERIE LYONNAISE

  • 19 novembre 2021

S’étendant sur 5 siècles, l’histoire de la soierie lyonnaise aura marqué à tout jamais la grande ville de Lyon

Les origines de la Soierie Lyonnaise :

Elle commence au XVe siècle, à la Renaissance, à Lyon sur les bords de Saône avec les foires libres de taxes qui prennent une grande importance dans le commerce européen. On y vend, en autres, de belles étoffes qui arrivent d’Orient et d’Italie. Le goût des classes élevées pour les riches tissus de soie atteint et même quelquefois surpasse leur passion pour les métaux précieux ou les pierreries. Alors, pour éviter la fuite des devises à l’étranger, Louis XI appelle des tisseurs italiens à Lyon pour former des ouvriers volontaires, des privilèges sont accordés aux ouvriers de la soie. Pour exemple, le 23 novembre 1466, Louis XI ordonne la levée d’une somme de 2000 livres pour le salaire des ouvriers et ouvrières en draps de soie et d’or, qui viendront à Lyon, et pour leur frais d’établissement et de matériel


Décret du 23 novembre 1466 : Louis XI ordonne la levée d’une somme de 2000 livres pour le salaire des ouvriers et ouvrières en draps de soie et d’or, qui viendront à Lyon, et pour leur frais d’établissement et de matériel

Après des implantations plus ou moins réussies, à Tours, à Paris ou à Orléans, François 1er encourage définitivement l’installation des ateliers de tisserands à Lyon, ainsi se constitue la Grande Fabrique Lyonnaise, qui regroupe une multitude de petits ateliers indépendants, où le chef fabrique avec sa famille, les étoffes qu’il vend lui-même. Disséminés dans toute la ville, ces tissages occupent les étages supérieurs des maisons pour avoir plus de clarté. Les métiers sont rangés du côté des fenêtres, tandis que la famille entassée dans une soupente avec cuisine en dessous, reste privée de lumière et d’air au fond de la pièce. 

atelier typique de canuts à la Croix-Rousse

Une évolution majeure sera l’apparition d’un règlement régissant la profession. En 1596, l’apprentissage est fixé à 5 ans suivi d’une période de compagnonnage de 2 ans. Le maître ne peut avoir que 2 apprentis, et il lui est interdit de faire travailler des personnes hors de sa famille.

L’évolution de la Soierie Lyonnaise au XVIIème et XVIIIème siècle :

L’arrivée au début du XVIIe siècle du métier à la tire permet à la Fabrique de maîtriser les tissus à motifs, les tissus façonnés

Soierie façonnée du XVIIIe siècle

La renommée de la Soierie Lyonnaise commence à s’étendre à toute l’Europe. Et sous le règne de Louis XIV et la mode de la cour de Versailles, les tissus luxueux fabriqués à Lyon s’imposent à toutes les cours européennes. Lyon devient la métropole de la Soie


Seau de Barthélémy Andro, marchand ouvrier en draps de soie à Lyon.

On met au point maintes techniques d’ennoblissement de tissu, comme le moirage des camelots, l’apprêt des satins, la réduction de taffetas, la fabrication de crêpes et d’étamines. Les velours de Lyon et ses taffetas lustrés restent inimitables

En 1621, la communauté compte 716 maîtres tisserands, 428 compagnons, 265 apprentis, possédant 1698 métiers pour atteindre à la fin du siècle près de 18 000 métiers

A partir de 1730, on invente une multitude de tissus complexes qui portent les noms de brocart, persienne, droguets, brocatelle, tabis, vénitienne, florentines, turquoises damas, satin brochés, taffetas, cannelé….

Après avoir suivi la mode étrangère et surtout italienne, les soyeux lyonnais s’émancipent dans une course à l’innovation permanente. Le centre de la mode européenne se trouve à Paris, et chacun des fabricants lyonnais envoie leur dessinateur pour s’inspirer des nouvelles tendances. A cette époque, de grands créateurs textiles Lyonnais se distinguent par leur talent artistique comme Philippe de la Salle qui travaille étroitement avec la reine Marie-Antoinette, et comme Jean Revel ; ses véritables « tableaux » en soie excitèrent la plus grande émulation.


Soierie façonnée et brochée vers 1775

La Fabrique Lyonnaise devient le moteur économique de la ville et sa région.

A la fin du XVIIIème siècle, les riches marchands de soie veulent garder à leur profit les circuits de vente au détriment des maître-tisserands ; des tensions entres les uns et les autres commencent à voir le jour, ces maîtres-tisserands veulent garder leur place dans le circuit commercial, mais finalement après plusieurs déposes infructueuses de règlements, un règlement est imposé qui consacre la suprématie des gros marchands de soie. Alors l’idée d’un tarif minimal pour les tissages devient une revendication forte.

Les années difficiles pendant la Révolution Française :

Les ouvriers de la soie se retrouvent dans la misère, les commandes de tissus chutent, ils perdent leurs clientèles qui étaient surtout la noblesse et les cours royales, la population de Lyon passe de 150 000 habitants en 1793 à 88 000 habitants en 1800, les ateliers manquent cruellement de main d’œuvre.

La petite histoire du mot Canut :

Un condensé de canne nue

Au cours de la révolution, les ouvriers de la soie durent vendre les breloques en or et en argent de leur canne de compagnonnage et à leur passage, on disait « Voici les cannes nues » d’où les canuts.

La Fabrique renait avec Napoléon :

Premièrement par l’invention de la mécanique Jacquard. Une seule personne peut conduire un métier à tisser, cette mécanique mise au point par Joseph-Marie Jacquard qui poursuit les travaux de Basile Bouchon, de Jean Baptiste Falcon, et de Jacques Vaucanson, est brevetée en 1801. Elle automatise la lecture du dessin en remplaçant les tireurs de lacs (ensemble de cordes).

Deuxièmement par les innombrables commandes de Napoléon destinées au Palais Impériaux, comme le château de Saint Cloud, la salle du trône de Versailles ou le château de Meudon. Pour la petite histoire, la commande la plus importante arrive à Lyon en 1811, pour un montant de 2 000 000 francs destinés à acheter 80 000 mètres d’étoffes.

Musée de TSD, métier à bras avec mécanique Jacquard

Le XIXème siècle, l’apogée de la Soierie Lyonnaise

Le métier Jacquard connait un réel succès, le nombre de machines passe de 40 en 1811 à près de 2 000 en 1820, tandis que le métier à la grande tire tente à disparaitre, les tisserands apprécient eux-mêmes le gain de temps obtenus, et la diminution de la main d’œuvre qui, au lendemain de la Révolution était manquante. Vers le milieu du siècle, 100 000 métiers à bras Jacquard et Uni feront entendre incessamment à la Croix-Rousse, à Saint Georges et à Saint Irénée, leur voix bruyantes, si pittoresquement traduites en onomatopées par le langage canut « Bist’en claque pan »

chanson de la marche des canuts

La soierie Lyonnaise est alors rayonnante, elle fabrique de tout, vend partout dans le monde ; grâce aux marchands-fabricants : les soyeux qui investissent sur des nouveaux marchés, grâce au savoir-faire des tisseurs : les canuts et grâce à un secteur artistique et scientifique permettant une innovation permanente.

Les révoltes des canuts de 1831 et de 1834 :

1831

A cause de leurs conditions de vie devenant très difficiles (précarité, saisonnalité des commandes, outil de production cher à entretenir, concurrence entre les tisserands, journée de travail trop longue 14 à 18H…), les canuts se révoltent, ils veulent un tarif minimum de fabrication.

Le 21 novembre 1831, plusieurs centaines de tisseurs parcourent la Croix-Rousse et obligent ceux qui travaillent à arrêter leurs métiers à tisser, puis ils descendent la Croix-Rousse jusqu’à la rue Vieille-Monnaie où ils sont arrêtés par la Garde Nationale qui fait feu, trois ouvriers sont tués ; les canuts remontent, prennent des armes , dressent des barricades, un combat sanglant à lieu Pont Morand le 22 novembre, et d’autres les jours suivants… enfin des ouvriers de tous les quartiers se joignent aux canuts et se rendent maitre de la ville de Lyon .

La semaine suivante, les ouvriers, pensant tenir leur tarif, reprennent le travail.

Le 28 novembre, une armée de 20 000 hommes venue de Paris, reprend le contrôle de la ville, une garnison est placée dans la ville, 90 ouvriers sont arrêtés dont 11 poursuivis en justice, qui seront acquittés en juin 1832. Un fort est construit pour séparer la Croix-Rousse de la ville.

Horrible massacre des canuts par la Garde Nationale

1834

Après l’échec de 1831, les soyeux veulent faire baisser les tarifs jugeant de la bonne conjoncture, il en résulte conflit, grève, et rapidement des fusillades éclatent avec la troupe, tirant sur la foule désarmée, les rues alors se couvrent de barricades, surtout dans le quartier de la Croix-Rousse, le 10 avril 1834, c’est le début de la semaine sanglante. Jusqu’au 14 avril les combats se poursuivent entres les ouvriers et l’armée, qui attaque pour la troisième fois la Croix-Rousse en massacrant de nombreux canuts, enfin la ville est reconquise par l’armée le 15 avril. Plus de 600 victimes sont à déplorés, 10 000 insurgés faits prisonniers sont condamnés à de lourdes peines.

La devise des canuts : « Vivre en travaillant et mourir en combattant » démontre cette volonté qu’avait les canuts d’améliorer les conditions de vie et de travail, idée tout à fait nouvelle à cette époque.

Fanion de la devise des canuts

Ces révoltes montrent aussi que les canuts, chefs d’atelier sont des travailleurs manuels instruits et d’une grande culture, ils lisent, ils discutent, sont parfaitement conscients de leur savoir-faire. Ils ont la volonté de protéger l’industrie de la soie, ils organisent d’ailleurs un service d’ordre pour éviter tout pillage, et sont capables d’une grande solidarité, c’est le début des organisations ouvrières et du syndicalisme.

Ces révoltes ont été un échec quant aux revendications demandées, les tarifs signés par les représentants des négociants et les canuts ne seront appliqués que bien plus tard. Mais, ces mouvements auront un retentissement considérable en France en Europe et ce jusqu’à nos jours.

Après les révoltes, la fin des petits ateliers de la Croix-Rousse

Certains soyeux cherchent à produire ailleurs qu’en ville. L’émigration des métiers vers les campagnes s’accentue. En milieu rural, le métier à domicile est un complément aux revenus de la terre. Les ouvriers étant disséminés, les soyeux évitent le risque de rébellion. A partir de la fin du XIXème siècles, les métiers mécaniques vont remplacer les métiers à bras avec l’apparition de la machine à vapeur qui produit de l’électricité ce qui va entraîner les regroupements des métiers à tisser en usines.

C’est la fin des petits ateliers Croix-Roussiens pour faire place aux grandes usines de tissage à l’extérieur de Lyon.

Usine textile à Tarare, vue d’ensemble
Salle de tissage dans une grande usine
Salle d’ourdissage dans une grande usine
Salle d’expédition dans une grande usine

Le XXème siècle :

Après les difficultés de la première guerre Mondiale, La Fabrique se relèvent. La modernisation de l’outils de production, la mécanisation massive des métiers, et surtout le statut de Paris qui devient la capitale mondiale de la mode donnent un vrai bol d’air à La Fabrique. Les années 1920-1950 sont des années fastes, les grandes maisons de soierie comme la maison Dognin ou la maison C-J Bonnet sont représentatives de cet essor, l’industrialisation, et la rationalisation de la production en intégrant dans une même usine le plus d’étapes possibles de la fabrication d’une étoffe sont le passage obligatoire pour réussir.

Dans le même temps, de nombreuses maisons s’engagent dans le tissage de fibres artificielles comme la viscose. Les classes moyennes recherchent des vêtements à la mode parisienne mais à un prix pas trop élevé. Alors La Fabrique propose des modèles qui s’inspire de modèle haute-couture simplifié.

Mais la plupart des grosses Maisons de Soierie ne profitent pas de la réduction des coûts par l’arrivée des fibres artificielles et de la mécanisation de l’outils de production pour faire baisser leur prix de vente. De plus la clientèle traditionnelle de la soie, prête à débourser des fortunes dans de l’habillement de soirée et dans l’aménagement de leur demeure, est fortement à la baisse dans les années 30 et tend à disparaître dans les années 50, et la crise économique de 1929, sonne le glas de la Fabrique Lyonnaise. Le choc est très violent, en 8 ans, 50 maisons disparaissent, les effectifs de l’industrie textile fondent littéralement, en 14 ans (1974 à 1988) les employés du secteur passent de 43 000 à 18 000, et le nombre de métiers à tisser diminue de 23 000 à 5 000.

La concurrence asiatique au XXème siècle :

Les marchés textiles alors basculent en Asie où la main d’œuvre est nombreuse et beaucoup moins chère. Le savoir-faire des canuts se démocratise grâce aux nouvelles technologies comme le développement des machines à tisser numériques, le développement des fibres synthétiques. Des usines gigantesques apparaissent en Chine et inondent le marché de produits textiles. Des délégations asiatiques parcourent les pays et particulièrement la France, pour s’inspirer des modes et des nouvelles techniques qu’ils reproduisent dans leurs usines. Plusieurs usines françaises et européennes de fabrication de matériels textiles exportent beaucoup de machines en Asie et même plusieurs d’entre elles, s’implantent en Asie.

C’est la fin de l’industrie textile française, seules quelques Maisons ont survécu en se réorientant vers les textiles techniques, la restauration et les activités patrimoniales où des productions de niches.

Conclusion

La Société TSD La Fabrique d’écharpe, détentrice du savoir-faire des canuts transmis de génération en génération, depuis la Révolution Française, perpétue encore aujourd’hui le tissage de la soie à Lyon. Tout en modernisant notre matériel pour suivre les différentes inventions et innovations des siècles derniers, nous avons su garder toutes les valeurs d’un métier de tradition à travers la fabrication d’écharpes et de foulards “Jacquard”, commercialisés sur le site www.lafabriquedecharpe.fr

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